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Baragouiner

 

 

L’une des raisons de la défaite française de 1871, qui eut pour conséquence l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par les Prussiens, était l’incompréhension des ordres donnés par les officiers aux simples soldats, débarqués de leurs différentes provinces, où le français n’avait pas sa place. Ainsi, la légende veut que les conscrits bretons arrivant à Paris réclamassent du « bara », c’est-à-dire du pain, et du « gwin », autrement dit du vin. Une autre source parle de « gwenn », ce qui signifie « blanc », mot que ces mêmes Bretons auraient répété à l’envi en découvrant l’existence du pain blanc… Cependant, personne ne les comprenait et ce malentendu, qu’il s’agisse de pain ou de vin, aurait donné le mot « baragouiner », pour exprimer l’idée de parler de manière incompréhensible.

De Rabelais à Montaigne

Est-ce vraiment aussi simple que cela ? Il semble en fait que l’étymologie de « baragouiner » remonte plutôt à quelques siècles en arrière. Montaigne l’employa ainsi en 1580 dans le Livre II de ses fameux Essais, pour parler d’un « livre basty d’un espagnol baragouiné en terminaisons latines ».

 

Et cinquante ans avant, Rabelais fit dire à Pantagruel dans son ouvrage du même nom (chapitre 9) : « Mon amy, ie n’entens poinct ce barragouin. » Si on remonte encore le fil de l’Histoire, on retrouve l’emploi de « barragouyn » en 1391, cité dans le Du Cange (un glossaire de la langue médiévale) : « Beaux seigneurs, je ne suis point Barragouyn : mais aussi bon chrestian. » Son acception ici ? Une personne sauvage, barbare ou grossière.

Latin ou grec ?

Ainsi, l’origine de « baragouiner » remonte en réalité très loin, au bon vieux latin (comme quoi, ça peut être utile !) « barbarus », lui-même issu d’une onomatopée grecque voulant exprimer l’idée du bredouillement. On décrivait ainsi ceux qui ne parlaient justement pas le grec, autrement dit les étrangers qui s’exprimaient dans un idiome considéré comme grossier, bizarre, voire non civilisé. Et quand on sait qu’en breton justement, « baragouiner » se dit « gregachat », c’est-à-dire « parler grec », la boucle est bouclée !