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Placebo

 

 

Avant de désigner une substance sans réel effet thérapeutique mais qui peut agir sur un symptôme par le seul pouvoir de la pensée, le placebo, un mot à l’étymologie latine signifiant « je plairai », a vécu plusieurs vies au travers des siècles.

Un synonyme de « pleureuse »…

Le placebo a laissé ses premières traces dans la traduction en latin de la Bible faite par Saint Jérôme au IVe siècle après J.C. Ainsi, au Moyen Âge, les fidèles entonnaient souvent le psaume 114 des vêpres des morts « placebo Domino in regione vivorum » (« je plairai au Seigneur dans le monde des vivants »). Vous noterez le côté quelque peu thérapeutique de ce vers, surtout quand on sait qu’il était chanté lors de messes honorant la mémoire des défunts. Le mot devint si populaire lors des enterrements que l’on baptisa même les pleureuses des… placebos !

… puis de « lèche-bottes »

Puis lors des siècles suivants, « placebo » désigna un flatteur, un courtisan, voire un parasite. On rendait en effet peut-être moins hommage au Seigneur et beaucoup plus à son seigneur… Cette connotation péjorative plaisait apparemment particulièrement aux Normands, qui nommèrent ainsi ceux de leurs amis qui faisaient du lèche-bottes auprès des puissants. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que la médecine accueillit ce terme en son sein, lui donnant son sens actuel. Mais attention, seulement de l’autre côté de la Manche, voire de l’Atlantique.

Un duo d’exception

Le premier test placebo fut mené en 1784 par le naturaliste et futur Président des États-Unis Benjamin Franklin, accompagné du chimiste et philosophe Antoine Lavoisier. Il s’agissait de démontrer que la force psychique du mesmérisme (aussi appelé « magnétisme animal ») n’était qu’un leurre. Notons cependant que cette expérience fut menée à Paris, sur la demande du roi Louis XVI.

Des pilules en mie de pain

Toujours est-il qu’en France, on a longtemps fait de la résistance ! Dans l’Hexagone, le Dr Armand Trousseau(1801-1867) devint le premier à donner de tels « remèdes » en 1834 à ses patients, en leur assurant qu’il s’agissait de médicaments. Or ces pilules étaient à base d’amidon ou de mie de pain ! C’est ce médecin qui comprit qu’un traitement fonctionnait selon le degré de confiance que lui accordent le malade et le praticien.

Quand Rabelais s’en mêle

Le monde médical mit toutefois longtemps à accepter ce concept : jusque dans les années 1960, quand on parlait de placebo en France, il s’agissait toujours de dénoncer un flagorneur ! Mais au fait, comment ce terme a-t-il pu passer du domaine de la flagornerie à celui de la médecine ? On dit que Rabelais y fut pour beaucoup, mais ceci est une autre histoire…