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Tabou

 

 

Tabou est l’un des rares mots issus d’une langue polynésienne qui ait réussi à s’immiscer puis à s’ancrer solidement dans nos idiomes occidentaux…

Interdiction religieuse

Le premier homme blanc à l’avoir entendu fut sans doute l’explorateur, navigateur et cartographe anglais James Cook, en 1777, alors qu’il voguait dans les mers du Sud, autrement dit le Pacifique sud. Dans sa forme originelle, tabou, qui existait dans toutes les langues polynésiennes, se disait notamment « tapu ». Il signifiait dans son acception première une interdiction émise par les prêtres ou les chefs polynésiens sur un lieu, un objet ou une personne. Ce qui ne s’éloigne guère du sens que les Européens lui ont donné à leur tour.

Visa de bonne conduite

Après son introduction sur le Vieux Continent, le terme connut un succès notable parmi les ethnologues, qui s’en servirent pour désigner tous les types d’interdiction, qu’ils soient rituels, religieux ou magiques. Les scientifiques de l’âme, dont surtout Sigmund Freud, l’adoptèrent rapidement eux aussi. Le neurologue autrichien, père de la psychanalyse, donna ainsi une place de choix au concept dans son ouvrage Totem et Tabou (1913).

Au final, ce mot est devenu synonyme des règles de bonne conduite qui régissent notre société : interdiction de coucher avec son père ou avec sa mère, puis prohibition totale de l’inceste.

Lien éternel avec le secret

Plus globalement, « tabou » est employé par le grand public au gré des évolutions de la société, pour désigner quelque chose dont on n’est pas censé parler à voix haute, entre gens de bonne compagnie (par exemple la politique, la religion, la maladie, la mort, certains événements comme la collaboration, la guerre d’Algérie, etc.) ou dans une famille (par exemple le suicide du grand-oncle Marcel, l’enfant caché de la cousine Germaine ou la ruine de l’arrière-grand-père Léon). Tabou me semble donc être un mot particulièrement fascinant, dans la mesure où son emploi bouge en rythme avec l’évolution de l’homme, mais reste toujours mystérieux, puisque lié pour toujours au secret.